Publié dans la revue XYZ, la revue de la nouvelle, n.66, été 2001
Milieu de la nuit, froide et noire. Ma fenêtre n’a toujours pas de rideaux. Je vois la nuit par-dessus son épaule nue, pour la première fois. Il ne dort pas non plus. On fait semblant. Semblant de faire croire à l’autre qu’on dort. Je ne bouge pas, ne pas l’éveiller. Surtout que rien ne bouge. Quelque chose est différent cette nuit. C’est lui. Il est différent. Sa voix, son attitude envers moi. Il est là. Complètement là, complètement attentif.
Il faut que rien ne bouge. Les choses insignifiantes doivent rester des choses insignifiantes. Je ne peux pas bouger ; mon bras s’engourdit. Si je bouge, si j’ose faire un mouvement, il s’éveillera. Si je bouge maintenant, il s’attache.
Je ne veux rien de plus. Il le sait. Je ne veux jamais trop. Je ne veux même pas assez. Je veux pouvoir vouloir davantage. Mes lèvres sont si proches de son oreille. Son corps est trop chaud. Je voudrais sortir du lit. Le plancher est gelé. Je suis nue, complètement. J’ai trop chaud et je ne dois pas me mouvoir. Et mes lèvres sont si proches de son oreille. Je n’aurais qu’à chuchoter. Pas trop fort, pour ne rien déplacer.
Il ne dort pas, pas plus que moi. Personne ne rêve. On ne s’est pas permis de croire à un rêve. Il ne doit rien y avoir d’irréel. Pas d’illusions, Et pourtant, comme je regarde le noir de la nuit, je sens sa respiration rapide contre ma poitrine. Ne me dis jamais que tu m’aimes. Je partirais en fuyant. Je veux seulement savoir si je ne te suis pas indifférente.
Il a ouvert les yeux. Il a entendu. N’a pas bougé. Sa respiration s’est seulement arrêtée quelques secondes.