Partager le temps

Mon blog a deux ans. Mon garçon aussi. Je n’ai plus eu le choix: il a fallu que je m’organise ou que je lâche tout.

Écrire, materner et aimer.

J’écrivais à l’instinct, lorsque ça me tentait, quand je sentais une bonne veine et que je devais la suivre. J’avais tout mon temps, toutes mes soirées et fins de semaine, mes insomnies aussi pourquoi pas (de plus en plus fréquentes avec l’âge). Je préférais le matin pour écrire. Un chocolat chaud, hop derrière mon écran, je poursuivais mon histoire. Il m’a fallu trois ans pour écrire les trois premiers tomes de ma saga des Dissidents. Le quatrième, encore à ce jour incomplet, attend depuis plus de quatre ans.

Aujourd’hui, je chante des berceuses jusqu’à plus de voix. Je suis une routine restreignante pour son sentiment de sécurité à lui. Je l’accompagne dans ses matins, surtout dans ses nuits. Je frustre lorsqu’il dort mal, ou qu’il ne veut pas, ou que je dois trouver le moyen ingénieux qui le fera passer à l’action là où je le veux. Sans établir de dominance, en cherchant la coopération. J’échoue. J’y réfléchis. Je retravaille. Et je le suis d’une oreille. Toujours.

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Je vis une nouvelle hiérarchie. L’ordre établi s’est inversé, avec ce qu’il en coute de culpabilité. Mon conjoint, mon grand amour depuis près de vingt ans, est détrôné de la première place dans mon cœur par notre garçon qui lui est ex æquo avec mes projets littéraires. Je ne suis pas sure, même après deux ans de ce nouvel arrangement, que je sois habituée.

Quand écrire à l’instinct ne suffit plus.

J’ai fait un choix tardif dans ma vie. En fin de la trentaine, je me suis décidée à avoir un enfant. Mon congé de maternité préventif m’a donné une superbe occasion. J’allais pouvoir écrire à temps plein chez moi, finir enfin ce projet avant d’être prise avec un bébé insatiable dans mes bras. Le bilan de ce moment si vite évaporé: peu ou pas de progression. Rien à faire, je stagnais.

Depuis deux ans, j’ai écouté deux ou trois films maximum, entrevu le début de séries télévisuelles sans jamais voir la fin, ne sais plus quel jeu vidéo me ferait vibrer. Je n’ai plus le temps pour ça. Elles sont encore très rares les fois où j’ai la soirée juste pour moi. Les matins n’ont plus la même quiétude. Je ne suis plus du tout à jour sur l’actualité. Je n’ai jamais eu autant envie d’écrire que depuis que je n’ai plus le temps ni la concentration pour le faire. Et je ne me suis jamais autant foutue de suivre les dernières histoires en vogue.

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Faire entrer un être en soi, se garder un espace à soi.

Par la même nécessité de vouloir protéger mon enfant, j’ai la volonté de sauvegarder mon projet. Avec chaque fibre de mon corps, je porte deux enfants: un de chair, un de papier. Ils sont mes amours. Ils sont égaux. Et ils sont en conflit. L’un doit céder à l’autre, l’autre doit attendre l’un. Tous les jours, je dois faire le choix de donner du temps séparément à mes deux enfants. Je n’ai donc pas eu mille options, soit j’abandonnais l’idée d’écrire — avec la rancune qui s’y attachait — soit je m’organisais.

Le métier rentre

Écrire à l’instinct ne suffit plus. Je suis devenue professionnelle, du moins dans ma démarche d’écriture. J’ai deux minutes, j’écris. J’ai des turbulences en arrière-fond, mais qui ne demandent pas mon attention, j’écris. Je garde la tête hors de l’eau avec mon téléphone et google docs. J’allaite, le bras en l’air et je prends des notes avec mon pouce. Je prends trois secondes et quart au travail et j’esquisse une idée. J’écris.

J’ai produit plus de texte cette année que dans la dernière décennie. J’ai découvert que je pouvais produire et que chaque petit centimètre de prose me faisait avancer. Comme je le mentionne dans un article précédent, je m’engage cette année à focaliser sur mon projet des Dissidents. J’ai précisé mon plan, j’ai détaillé les scènes que je vais écrire. Je n’avais jamais fait ça avant.

Celui qui ne rêve pas ne vit pas,
qui rêve trop s’engourdit.
Les Vapeurs, Karkwa

Manquer de temps a été la plus grande motivation pour en trouver. Je me concentre sur l’essentiel, ce qui me fait vivre, mes amours. Avez-vous trouvé ce qui vous motivait le plus, ce qui vous obligeait à avancer vers vos projets, vos rêves?

Photo à la une: Maria Shanina sur Unsplash

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