L’originalité pure est inexistante. Le créateur s’inspire inévitablement de ses prédécesseurs et de ses contemporains. Ça n’est aucunement problématique, au contraire, l’effort commun de l’imagination nous emmène dans des sphères incroyables, ce qu’une simple pensée individuelle serait incapable de faire. Il y a bien une touche personnelle, et là est tout l’art de l’artiste, sa petite façon de faire. Si les mêmes histoires sont racontées depuis toujours c’est bien parce qu’on aime encore les entendre.
Mes influences
J’ai déjà fait tout un pan sur la musique et mon lien à l’écriture, que vous pouvez lire ici d’ailleurs, donc je n’y reviendrai pas. Si j’en ai fait des articles à part, je dirais que c’est probablement parce qu’elle est la plus grande influence que je peux avoir. Et même si les écrivains parlent beaucoup des autres livres qui les ont inspirés, moi, mes lectures ne m’affectent pas à ce niveau-là. J’adore lire, mais elles ne se retrouvent pas dans mes influences, sauf quelques livres que je nommerai plus tard.
Pour écrire les Dissidents, il faut que je raconte comment la vie boréale m’a affectée. Je suis née dans un pays froid, une région où la neige dépasse les épaules, où les températures sont presque opaques tellement elles font murs de glace. Je n’habite plus dans ce lieu, mais il m’a forgée (même si je suis devenue complètement molle depuis le temps).
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J’ai rêvé d’exotisme comme tout le monde, de voir le globe et ses autres climats. Je ne l’ai jamais fait. À la place, j’ai appris à aimer mon territoire. Un court métrage qui m’a marqué (et qui date de 1981) est First Winter, de John N. Smith. La rigueur de l’hiver y est traduite avec énormément de vérité. Nos maisons sont chaudes et isolées de nos jours. Mon univers est rustique et ce film me rappelle cette réalité avec beaucoup de doigté.
Le territoire, c’est aussi la mer, les forêts denses, les cours d’eau innombrables. Le Bouclier canadien et l’embouchure du fleuve Saint-Laurent sont carrément le décor des Dissidents. Je l’ai plagié sans honte. Contrairement à mon amour pour la vie boréale, il a fallu que je quitte ce lieu pour en apprécier la beauté. Oui, mes souvenirs sont romancés. Mais n’est-ce pas cela, mon métier? romancière?
L’anthropologie à portée de main
Dans mes études multidisciplinaires, il y a cette part de gâteau qu’est l’anthropologie. Ce que j’ai adoré dans ce domaine est d’explorer la capacité humaine à se raconter le monde. Tout est expliqué culturellement et même avec toutes les irrégularités et les contradictions de la planète entière, il reste ceci de pur: nous décidons de ce qui compte ou non.
L’approche anthropologique consiste à analyser — avec le plus de recul possible — les systèmes de valeurs et de symboles des autres. Regarder autrement les gens et comprendre surtout ces systèmes force notre perspective à changer et ce qu’on croit connaitre du monde avec. Personne n’a raison, personne n’a tort. Tout chez l’humain est culturel, s’il existe quelque chose d’universel, c’est ceci.
La chaine de Passé sauvage, une Youtubeuse qui fait des merveilles de vulgarisation, me permet de rester connectée à cette façon de mettre en perspective. (Maintenant que mes études sont loin). Je vous invite d’ailleurs à la connaitre, si ce n’est déjà fait. Vivre sans état est un bel exemple de sa perspicacité.
En prenant soin de ne pas faire de vol culturel, je dois dire que les cultures amérindiennes ont influencé la création de mon univers. Je n’en fais pas un pastiche ni une caricature, encore moins une utopie. Non, ce que je fais est de m’inspirer de certains systèmes pour les refondre à mon univers. Comme cet excellent modèle de la confédération iroquoise (en anglais). Je ne l’utilise pas telle quelle, mais le point de vue différent de cette façon de faire de la politique colle à mon monde. Comment on s’inspire du monde pour en créer un autre, en voilà un exemple.
Les livres, hein
J’arrive quand même à dénicher certains écrits qui m’ont influencé soit en général soit particulièrement pour les Dissidents. Un thème récurrent de mon écriture est clairement la survie: l’adversité de la nature ou sa bonté, le potentiel d’y faire face. Depuis l’enfance, je suis fascinée par ça et pourtant, je n’ai jamais suivi de cours en ce sens (mais pourquoi!??!). Des livres comme Comment vivre dans la nature (Rivière, Éd. de l’Homme) ou Manuel de survie (Le Brun, France loisirs) sont toujours dans ma bibliothèque. Je ne les consulte plus, je les garde par nostalgie.
Pour ce qui touche la thématique de la nordicité, il y a une panoplie de livres, surtout dernièrement qui font surface. Le classique Kamouraska de A. Hébert, mais plus récemment Encabanée, Hivernage ou Le Poids de la neige qui traitent de la réalité nordique avec en plus une dimension fantastique, subtile, mais bien dosée.
Dans les lectures plus ambitieuses, il y a l’immense mais vénérable The Light Bearer de D. Gillespie. Traduits en maintes langues — sauf en français je sais pas pourquoi, désolée!! — ce roman historique m’a appris l’importance d’une intrigue complexe, de nuances chez les personnages, autant des protagonistes que des antagonistes. Il y a une profondeur dans l’histoire, la grande et la petite. C’est aussi la première brique que j’ai lu. Et en plus en anglais. #initiation
Mes recherches m’ont mené de la parentalité positive à la lutte non-violente. Comme quoi la vie personnelle inspire aussi les grands romans. Ma curiosité de simple maman m’a fait réfléchir à toutes sortes de choses au point où la fin de ma saga en fut complètement transformée. C’est d’abord la faute de mon garçon, puis la faute d’un personnage.
Pour explorer en détail cette question: Un Roussard qui change toute l’histoire
Le livre de Gene Sharp De la dictature à la démocratie est l’essai, le seul, qui ait significativement influencé mes écrits récents. L’univers de Narbrocque a changé de ton du tout au tout. J’ai adoré l’idée que propose ce livre. C’est ce qui a donné la touche finale, la note originale à mon projet en cours, sa particularité: vaincre par la non-violence. La rébellion et la révolte sont devenues assez clichées, particulièrement dans la littérature Jeune Adulte puisque c’est un thème apprécié. Je suis excessivement satisfaite d’avoir trouvé un angle d’approche différent. Et Sharp m’en donne les outils très clairement — et aussi les points fragiles où ça pourrait foirer. .. . … . . . Est-ce que j’oserais m’en servir? Mais n’allez pas croire à l’utopie, dans lutte non-violente, il y a lutte.
Connaissiez-vous certaines de ces oeuvres? Avez-vous des influences aussi, que ce soit en lecture, en art, en film? Quelles formes peuvent-elles prendre? Certaines vous ont-elles surpris?
Photo à la une de Deniz Altindas
Photographies nordiques
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