Ceci est le dernier survol de la musicalité des Dissidents où j’explore les points d’intrigue majeurs avec une valeur orchestrée. Je me suis concentrée sur les bandes originales qui sont avant tout prégnantes d’émotivité. Il n’y a pas de lien avec le film ou jeu dont la musique est issue: elle compte seulement pour ce qu’elle est en soi.
I. Le Déferlement
Il me fallait quelque chose de doux, de presque tendre pour monter l’ambiance nordique, encore intouchée des Dissidents. La musique du jeu Skyrim s’y prête très bien. Mon univers n’est pas calqué sur l’imaginaire viking — cette influence en est une parmi d’autres — c’est surtout la nordicité de la trame sonore que j’apprécie. La pièce Secunda, composée par Jeremy Soule me touche par ses notes lancées comme des flocons.
Je n’ai pas encore trouvé l’élément déclencheur de ma saga. Ce pourrait être un problème éventuel — ou non. Il y est surement, mais je sens surtout une série d’événements, dès le début, imbriqués l’un dans l’autre qui débouchent sur l’intrigue principale. La musique de Hans Zimmer pour Interstellar, version violoncelle, me semble proche de la sensibilité graduelle de la trame dramatique des Dissidents. Elle représente ce qui dévie, ce qui oblige à prendre une autre route.
Dans la même lancée, si l’entrée de jeu tient en haleine sans avoir à percuter, la montée des conflits doit être tendue. Le thème de la série Broadchurch (Ólafur Arnald) est cette tension. Il y a dans cette pièce une marée montante: chaque vague plus forte jusqu’au déferlement final. Des percussions ici et là qui saisissent et réveillent.
II. Jusqu’à l’amer
Dans la deuxième vague des Dissidents, il y a cette rencontre inattendue avec des rebelles ennemis. Alliés ou prochains antagonistes? Le jeu militaire de cette rencontre ne se fait pas à la légère. Je retourne vers la trame sonore de Skyrim pour relever cette ambiance, avec la pièce Tooth and Claws, pièce musicale en action, en tension, énergique mais dangereuse.
Le tournant de l’intrigue place certains personnages principaux dans le véritable axe de leur arc narratif. Jusque là, ils étaient en recherches, en refus. L’hésitation dans la trame que j’ai choisie, tirée de Battlestar Gallactica par Bear McCreary, est juste. Il y a la confusion, le tâtonnement puis au final, l’explosion assurée d’être exactement là où il faut. Et que tout s’imbrique.
L’amer, c’est aussi la dernière courbe du tome. La capitale est assiégée, l’aide tarde. On témoigne de choix déchirants, de temps morts et éreintants. Il y a un non-retour, mais de l’espoir, toujours. Le thème du film Halo: Foward Unto Dawn rayonne de cette perdurance, de cette endurance à tenir, coute que coute.
III. Les Femmes de sel
Le premier mouvement de la troisième vague est horrifiant. Découvertes macabres, poignard dans le dos, déception. Ce gout de pourriture ne peut être rendu que par le thème de The Walking Dead, composé par Bear McCreary. Sans nécessité de zombisme dans mon roman, la chair faisandée et autres putréfactions relationnelles s’accordent avec ce genre de musique lourde de terreur.
Deuxième mouvement: un creux, un vide incompréhensible. Certains personnages sont portés disparus, affectant ceux qui restent et ignorent tout de leur sort. La quête du retour, autant pour les égarés que ceux qui attendent sans nouvelles, est un déchirement de soi. Intensément triste et douloureux, la musique de Lévon Minassian, particulièrement la pièce au titre évocateur They Have Taken The One I Love, porte cette blessure insurmontable.
Dernier acte du tome, l’effritement cesse. De nouvelles vérités personnelles sont enfin affranchies. Cette nudité devient fibre et devient force : résilience. Ce n’est qu’après ces épreuves que la suite peut être entreprise. La musique thème de The Crown (Hans Zimmer) sonne si juste à mon oreille. Il y a un relèvement dans cet élan musical, une prise de position ferme, un refus de reculer. Cet entêtement prépare le dernier volet de la saga.
IV. Contremarée
Au premier acte a lieu une mascarade politique. Un masque, une illusion de confusion, la danse menée par les Dissidents semble les montrer dépassés par les enjeux. Pourtant, c’est dans ce chaos qu’ils contrôlent et y cachent leur meilleure riposte. Une pièce de la série Viking (Tremor Morris), Ragnar Challenges the Earl, démontre cette résolution cachée. La musique est tendue, engagée dans un rythme grandissant, obligée.
Au deuxième acte, les masques tombent. L’action finale contre les forces antagonistes est révélée. Elle est forte, puissante de sa longue gestation. L’orage orchestré dans North Sea Storm (Morris) a la force de cette résignation aboutie. Elle frappe et cogne. Elle percute sans s’arrêter. Longtemps murie, elle éclate sa vitalité.
Dernier mouvement du dernier tome, les victoires ont un contrecoup. Qu’est-ce qu’il en coute de réussir? L’amertume de n’avoir su tout préserver empoisonne la chute du dernier paroxysme. La mélancolie du thème musical Wintermute du jeu The Long Dark sait faire naitre cet arrière-gout du véritable prix à payer. S’il y a à la toute fin la résolution des intrigues, il y a aussi en mouvement un changement profond, irrévocable, de la grande Histoire.
La série Portraits sur portée pour le roman Les Dissidents de Narbrocque se conclut ici. Je pourrais reprendre le concept pour d’autres projets, pourquoi pas. Avez-vous été inspiré de ces musiques, sont-elles parlantes? À quelles autres sources musicales vous font-elles penser?
Photo à la une de Phil Henry sur Unsplash
La relève de la garde
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