Mots d’enfant ou comment apprendre en imitant

Parfois je me rends compte avec étonnement du cheminement que mon garçon de trois ans a accompli. En tant que parent, «on a le nez dedans» et il est souvent facile d’oublier la construction lente d’acquisition des compétences. J’ai voulu démontrer ici, par un simple dialogue, comment ces acquis se construisent… parce que c’est beau et simple, la force d’apprendre en imitant!

Conversation avec un enfant

Naissance
L’enfant regarde son parent qui lui pointe du doigt des images dans un livre: oh regarde l’image, c’est une pomme rouge! Oh regarde, c’est un kiwi vert. Miam!
1 an
L’enfant pointe du doigt les images
Parent: une pomme rouge, un kiwi vert
2 ans
Parent: C’est quoi ça?
Enfant: Pomm, kwi
Parent: oui! Pomm-e, ki-wi. On mange la chair! Miam!
2 ans ½
Enfant: c’est quoi ça, maman?
Parent: c’est quoi, tu penses?
Enfant: une pomme, un kwi-i!
Parent: de quelles couleurs?
Enfant: rouge! Et vert!
3 ans
Enfant: c’est quoi ça, tu penses?
Parent: hmm, une banane?
Enfant: non, c’est une pomme. C’est rouge et on mange la chair. Pas le cœur, beurk!

Ils imitent

On peut voir ici que l’enfant reprend les phrases qu’il a entendues lors de son apprentissage… et que le parent doit constamment changer son dialogue. Ce qui est amusant, c’est lorsque nos phrases reviennent en écho par la bouche de l’enfant. On tourne vite en rond et pour lui permettre d’évoluer, le parent doit imaginer une autre étape.

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Ce réflexe de miroir, qui est la base absolue de l’apprentissage chez l’humain, nous revient aussi en plein visage. Combien de nos répliques bien rodées nous reviennent comme une critique? Il est facile de blâmer l’enfant lorsque l’on est attaqué ainsi, parce que c’est le sentiment que l’on reçoit. Le recul nous apprend à comprendre ce que l’enfant ressent par de telles phrases, et donc, de nous améliorer. Ou pas.

Parent: MAIS TU CRIES, ARRÊTE!
Enfant: AAAAAAHHHHH!
Parent: ARRÊTE DE CRIER!
Enfant: AAAAAAAHHH!
Parent: POURQUOI TU CRIES!!??!
Enfant: AAHHHH!!

La psychothérapeute Isabelle Filliozat

Le déclic doit être fait chez l’adulte. C’est à lui de se tempérer et de montrer, verbalement aussi, comment se modérer: par l’exemple. Or, la fatigue de l’éducation n’aidant pas, il arrive que l’on dérape. Présenter ses excuses est aussi un apprentissage pour l’enfant.

Pourquoi ce sujet?

En fait, j’en sais trop rien. Je crois que j’étais réellement impressionnée de la progression récente de mon garçon. Qu’avant d’avoir un enfant, il m’était difficile de créer un personnage enfant. Depuis, je lis beaucoup sur le développement et la perception des touts petits et ça m’est plus aisé, en constatant en réel la théorie de ces livres, de faire vivre de tels personnages. On peut dire, aujourd’hui, que la leçon numéro un pour écrire un enfant, c’est l’importance de l’imitation.

J’ai aussi repensé à une situation au travail où l’enfant disait sans cesse à sa mère qu’elle ne valait rien, qu’elle était une salope, qu’elle était conne… Ce n’est pas l’enfant qui parle ici, mais sa figure paternelle. Cette femme avait besoin d’aide. Son estime doit être tellement brisée qu’elle se laisse abuser par son propre enfant, s’imaginant surement qu’ils ont raison, tous ces gens qui l’écrasent ainsi.

Depuis le confinement, la violence conjugale et familiale est devenue encore plus invisible. Les ressources sont toujours disponibles. Fédération des maisons d’hébergement pour femmes.

Apprendre par la bouche des enfants

La vérité que l’enfant démontrait n’est pas que sa mère était une dévergondée et une imbécile (quoique l’abus répétitif démontre des conséquences néfastes sur le développement cognitif). Ses mots ne sont pas à prendre au pied de la lettre. Ce qu’il disait, ce qu’il montrait était l’éducation qu’il recevait. Les valeurs se transmettent par imitation et non par grands discours philosophiques. La réprimande sur l’enfant est contreproductive et surtout un foyer propice à la contradiction, l’ambiguïté, la double contrainte qui étouffe tant.

Pour l’écrivain, ça peut être matière à réflexion lors de la création de personnages. C’est de l’ordre de montrer plutôt que de dire. Un enfant dans un roman qui a des comportements troublants, des paroles qui dépassent sa connaissance, ou même des réflexions bien pensées en disent long, très long sur l’éducation qu’il reçoit. Nul besoin de le mentionner; le lecteur peut déduire. Ce n’est même plus montrer, c’est suggérer.

Dre en pédiatrie Catherine Guegen

Sur cette note douce-amère, je vous invite à lire les docteures Catherine Gueguen et Isabelle Filliozat qui expliquent si bien, études scientifiques à l’appui, comment se développent les enfants, ce qui leur cause tort, ce qui les aide. Ainsi, en connaissance de cause, vous pourrez créer des personnages enfants, voire adultes, avec une enfance réaliste à leur devenir.

Photo à la une: Aaron Burden

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