Construire un univers I. Culture et langue 305

305. Trouver son temps

S’il existe une notion des plus variables dans les cultures humaines, c’est bien celle du temps. Habituellement exprimer par les verbes — mais pas que — la temporalité s’exprime sous différentes perceptions. Cette conception peut s’inscrire dans le vocabulaire d’un récit où simplement dans la manière de décrire les événements.

La ligne droite

En occident, il nous vient facilement à l’esprit la vision linéaire du temps. Elle s’inscrit dans un passé, un présent et un futur, et dans cet ordre. Il y a un (probable) début des temps et une fin (possible), ou tout est infini. Le passé est inscrit et est figé. Le présent s’écrit à mesure et les choix sont permis. Le futur est à définir et toutes les probabilités sont possibles. Dans la vision linéaire, il n’y a pas de retour possible, le temps passe et ne revient pas sur lui-même. Une action peut prendre un laps de temps à se faire, mais elle débute et se ferme, tout comme les événements périodiques qui ponctuent la vie. Tout passe.

De cercle en cercle

La vision cyclique du temps est facilement concevable. S’il existe un flou entre le début et la fin, il y a quand même la notion de mouvement continue, mais en boucle. Le passé devient présent devient futur devient passé… Ce qui était revient, ce qui sera passera et reviendra. Les actions posées se répercutent autant en amont qu’en aval du présent. Les cycles saisonniers, de la vie à la mort, phases lunaires sont autant de façon de s’identifier au temps circulaire. Tout revient.

Petit mélange sériel

Il est envisageable de voir un cycle temporel porter aussi une certaine linéarité. Si les ans passent toujours par les mêmes saisons et que le début de l’an revient, il n’en reste pas moins que le temps passe quand même. C’est comme une longue chaine construite de maillons, en série.

Temps mort

La perception du temps (et non le temps lui-même) est ce qui forge une culture et son langage. L’absence de temps est aussi possible, comme un éternel temps présent. On peut vite se référer à la perception des jeunes enfants pour qui les routines marquent la journée. Il y a un avant, il y a un après. L’écoulement du temps entre ces marqueurs est nul et non avenu. La notion de ponctualité devient alors particulière: c’est la promesse de venir en visite qui compte et non la planification du moment. Ne plus attendre quelqu’un puisqu’il a dit qu’il viendrait.

Jouer avec les notions

Dans une langue, les temps de verbes évoquent la perspective culturelle de temporalité. Le plus simple est le passé, le présent, le futur. Dans chacun de ces temps, il y a une façon de marquer une action immédiate et brève, mais aussi une qui se déroule sur une période donnée. L’événement peut aussi prendre place sur une seule période ou transgresser jusqu’à une autre. Par exemple, une action qui commence dans le passé peut se terminer dans l’avenir.

billet précédent: le pluriel

On peut imaginer, avec ce même principe, que le temps cyclique peut être exprimé par les verbes. Il peut y avoir un cycle dans le passé, présent ou futur, des cycles en cours, des cycles récurrents qui partent, arrêtent et reviennent. Certaines réalités peuvent être conjuguées seulement en cycle alors que d’autres seraient seulement linéaires. Et pourquoi pas, tiens, des temps différents perçus comme sur des paliers. Une idée « verticale » du temps pour exprimer les différentes vitesses expérimentées: celle de la conscience, celle de l’inconscient, celle du regard extérieur, celle de l’univers, etc.

Au-delà du verbe

Il n’y a pas que les verbes pour parler du temps. Nombres expressions dévoilent une manière de penser aussi efficacement. L’avantage, surtout pour inclure cette notion dans un récit, est qu’elles peuvent être « traduites » littéralement dans la langue de la narration (sans avoir à créer une langue au complet). Exemple simple, en occident, on avance vers l’avenir, le passé est derrière nous. Dans d’autres cultures, le passé est devant puisqu’on le voit, on le connait. L’avenir est inconnu, il est donc derrière. Ce type d’exemple est très facile à exposer dans un texte.

Vous vient-il d’autres manières de percevoir le temps? Connaissez-vous des exemples concrets venant de cultures moins connues? Avez-vous envisagé un changement dans la perception du temps dans vos univers fictifs?

Photo à la une: Laura Cortesi

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