Construire un univers II. La parturition: 105 l’urgence de l’accouchement

105. l’urgence d’un accouchement

Comment juger de l’urgence de l’accouchement naturel lorsque tout ce que l’on voit à Hollywood est une situation de précipitation? Ça doit être le plus gros cliché. En fait, accoucher prend du temps et ce n’est pas un état des choses systématiquement dangereux. Comme quoi, pour bien écrire une scène de parturition, mieux vaut être zen.

L’urgence et la pousée

En premier lieu, les contractions ne se commandent pas et ne se contrôlent pas. La poussée, comme on l’a vue dans le précédent billet, vient dans la dernière phase seulement et est impérative, car c’est l’utérus qui pousse et il prend des heures. On estime entre 2 et 40 heures le temps d’accouchement d’une primipare, mais la moyenne est entre 8 et 14 heures. L’urgence de l’accouchement n’est généralement pas justifiée. On peut plutôt prendre le temps de s’installer.

voir un article de Marie-Hélène Lahaye: le mythe de l’accouchement qui dérape en quelques secondes.

En deuxième lieu, il a été noté que d’interférer en dehors du rythme des contractions — comme de pousser à un moment aléatoire — pouvait les dérailler, voire carrément les annihiler. Un accouchement qui va bien n’a, en fait, pas besoin d’être coaché. La parturiente sait d’instinct quoi faire… si on la laisse faire et si elle est assez alerte à son propre rôle.

C’est l’utérus qui pousse le bébé. Si on pousse comme on nous fait pousser, c’est-à-dire en levant la tête […], attraper les barres, bloquer, pousser, on ne pousse pas que le bébé. On pousse l’utérus, la vessie, l’intestin en même temps que le bébé. Dans une position [allongée sur le dos] qui est la pire, qui ferme tout. […] Résultat, finalement, on peut créer l’urgence de sortie du bébé, parce que lui aussi il encaisse tout ça. Et pour la maman […] c’est un gros risque de faire descendre d’autre chose que le bébé.

Dre Bernadette de Gasquet

Le classique « poussez madame » n’a rien à voir avec l’accouchement proprement dit, mais plutôt avec un système de dominance sur la parturiente.

article précédent sur les positions

Troisièmement, cet ordre implique que la femme doit être passive et suivre les indications d’autrui en dehors de ce que son corps lui dicte. Qu’elle est en plus ignorante de ce qu’elle vit. Que la mécanique naturelle de l’accouchement est systématiquement défaillante. Et que le bébé doit sortir au plus vite, car la mère et l’enfant risquent insensément leur vie.

Pour la fiction

Ainsi, la perception de l’urgence d’un accouchement peut être à traiter dans votre univers. Est-ce que les accoutumés aux naissances mettent la pression ou sont-ils au contraire sereins et demande le calme autour d’eux? Qui plus est, le déplacement de la parturiente ou d’un.e assistant.e est à considérer comment dans un milieu de voitures supersoniques ou de terrains forestiers à parcourir à pied?

Les Assistants

Bien entendu, lorsque tout va bien, tout va… bien. Rares sont les groupes humains sans soutien à l’accouchante; il y a des risques de complications et ce n’est certes pas un fait léger. Donc, l’aide peut s’agir d’une femme expérimentée, d’une sage-femme, d’un.e obstétricien.e, un.e chamane ou d’une doula. Ça peut aussi être quelqu’un qui fait de l’élevage et s’y connait un peu, ou encore une équipe de spécialistes à la fine pointe de la technologie.

Le bon déroulement ne dépend pas de leur obligation à être là. Leur rôle est en outre de s’assurer que tout se déroule comme il faut et qu’ils sont prêts à intervenir au besoin. La majeure partie de leur travail alors se fait en amont: prévoir ce qui pourrait mal tourner et y remédier le plus tôt possible. Si cette étape est bien franchie, il y a peu de surprise lors de l’événement.

Comparatif culturel

Une préoccupation actuelle concerne le taux de césarienne en augmentation dans le monde. Jusqu’où doit-on aller avant de passer à une action aussi drastique? Y a-t-il seulement les enjeux médicaux dans ce taux? Malheureusement, non. L’urgence de l’accouchement, ou du moins sa perception, est presque devenue un motif.

[L]e taux de césarienne augmente avec le niveau de développement des pays (et donc la prospérité, l’éducation et une basse fécondité). Sa hausse accompagne également la pénétration du secteur privé dans la santé. Reste que l’on ne peut pas expliquer de cette façon les polarisations régionales que nous avons observées, et notamment les forts taux d’Amérique latine. Le recours accru aux césariennes peut aussi venir de demandes des patientes ou des praticiens, sans motif médical.

The Conversation

Pour la fiction

Au fond, modernité n’est pas synonyme de succès pour un accouchement. Ce n’est pas non plus le gros méchant loup de l’histoire, car tout dépend des intentions. Dans vos univers, y a-t-il une pression de rendement, de temps limite pour accoucher ou au contraire est-ce que ce temps est élastique?

Qui estime que la durée de l’accouchement est normale, trop courte ou, par contre, commence à inquiéter par sa longueur? Les assistants viennent de tous les milieux et l’enseignement médical notamment n’est pas une contrainte à la connaissance ancestrale. Et si les deux se rejoignaient?

Le comité d’accueil

On pourrait, par exemple, mettre deux méthodes d’accueil du bébé sur un axe; l’une surmédicalisée et l’autre trop rustique et les comparer. Là où l’urgence de l’accouchement demeure influente est lorsque vient le temps de vérifier la santé de l’être naissant.

D’un côté, on l’évacue avec des outils stérilisés, éloigné des muqueuses de la mère au plus vite. D’abord, on vérifie ses réflexes de respiration, ses yeux, on vide ses cavités nasales, on lui coupe le cordon, on le lave et désinfecte. Ensuite, il passe entre mille mains inconnues, toutes indifférentes et mécaniques… Lumières fortes, bruits, touchers partout sur une peau qui n’a connu que les parois de sa porteuse. C’est très agressif. Et est-ce justifié?

À l’opposé, le rejeton est posé au sol d’un endroit insalubre. Il vente. Personne ne répond à son premier cri. Personne ne le couve. Incapable de se mouvoir et aucune aide vers lui, qu’advient-il d’un être si tôt ignoré?

Image: Amanda Greavette

Ces scénarios sont scandaleux. Donc, ce qui devient idéal — et plusieurs experts commencent à avoir ce consensus — est que le bébé naissant soit simplement laisser à sa mère. Le milieu doit être propre, certes, et les lumières tamisées, le local silencieux avec une chaleur confortable et constante.

Un bébé vigoureux peut en fait prendre une heure ou deux à ramper sur le ventre de sa mère et trouver le mamelon. A-t-il besoin alors de passer le test d’Apgar dans la seconde, s’il est vif? Par ailleurs, le cordon ombilical pulse quelques minutes après la naissance, est-ce si urgent de le couper si l’enfant est encore en transition vers le monde aérien?

Aurélie Sumerly, sage-femme libérale

La rencontre avec son premier parent, celui qui en assurera sa prise en charge, est la chose la plus importante. Ce lien est probablement la seule urgence d’une bonne naissance et il doit se faire dans la lenteur.

Plusieurs vérifications de routine peuvent être faites lorsque la mère et l’enfant se dévorent des yeux. Les laisser tomber amoureux avec une vigilance bienveillante tout autour est un accueil entre les deux extrêmes.

Pour la fiction

En dernier lieu, quel accueil est fait aux progénitures de vos univers? Quelle sorte de premier contact leur est-il réservé? Est-ce anonyme et envahissant, ou alors froid et détaché, ou serait-ce doux, lent et chaleureux? Quelles choses juge-t-on nécessaires à faire dès le départ ou lesquelles peuvent attendre?

Prochain article: l’hygiène

image à la une: Amanda Greavette

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