Conseil écriture: 4 méthodes pour créer des mots

Créer des mots peut être un jeu ou une nécessité. Pour les écrivains, surtout ceux et celles qui travaillent dans les genres de l’imaginaire, ça semble inévitable tellement des concepts nouveaux peuvent naitre d’un univers inventé. Les auteurs de contemporain peuvent aussi bénéficier de cette méthode et ce billet va te montrer pourquoi et comment.

Dans cet article, je vais m’attarder au français, car je le connais bien, et que les trucs et réflexions apprises ici te serviront dans n’importe quelle autre langue de ta connaissance. D’emblée, je te présente aussi mon biais: je trouve que le français, à mon grand damne, souffre — et j’insiste sur la souffrance — d’une lourde réputation d’être rigide et peu flexible. Ce qui est faux. Il semblerait que ce soit d’abord et surtout nos standards qui entretiennent ce mythe.

Pourquoi créer des mots?

Premièrement, en fiction, ou même pour des essais, des dissertations, des analyses scientifiques, créer des mots comble souvent un vide sémantique. C’est-à-dire que là où un concept ou un sens manque, un mot peut y remédier. Si le besoin n’est pas venu avant, ça n’empêche cependant pas une émergence récente de la nécessité de combler ce creux. Dans le jargon linguistique, on peut parler de compléter un paradigme, c’est-à-dire de remplir les cases vides d’une famille de mots ou d’une catégorie.

Par exemple, on a les substantifs maison, maisonnée, maisonnette, maisonnerie. Il n’existe aucun adjectif, à ma connaissance, ni de verbe avec la même racine. Que pourrait donc avoir le sens d’un verbe basé sur maison?

La création de mots peut aussi nourrir le poète. On parle souvent de licence poétique à ce sujet, comme pour excuser cet écart à la norme acceptée. Cependant, sans être poète, il suffit parfois de créer un mot avec une résonnance familière, juste un peu étrangère, pour évoquer tout un panel d’émotions.

Et parfois, il manque simplement un sens à combler. On le voit beaucoup dernièrement avec toute la question des pronoms de genres à intégrer à la langue. Par contre, les premières propositions circulent déjà, certaines sont plus populaires que d’autres et c’est justement comme ça que naissent les mots.

Le français, langue difficile

J’ai envie de rouler les yeux chaque fois que j’entends ça. Le français a toutes les mécaniques nécessaires à la création de mots, sinon il n’existerait déjà plus. Le problème vient en outre de la perception que l’on a sur de telles créations. Il semble y avoir ainsi une certaine sélection assez stricte sur ce qui est acceptable de créer et ce qui est pure abomination.

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Photo: Tingey Injury Law Firm

Comme le dit souvent l’Insolente linguiste, Anne-Marie Beaudoin Bégin, lorsque l’on compare le français à l’anglais à ce sujet: ce n’est pas que l’anglais est meilleur, c’est qu’il est plus permissif. Toutefois, en français, c’est comme si on ne se permettait plus d’inventer. Ou alors, ça doit venir d’en haut, ou de certains lieux qui ont le monopole et le seul droit divin de la langue, ou bien ça vient d’un emprunt hautement coté, comme le latin, le grec, ou l’anglais qui est cool.

Par contre, une fois libéré d’une certaine attente sociale, le potentiel créatif de la langue française explose. Il y a des milliers de façons de créer des mots. Je te propose donc ici, si tu as le cœur créatif et ouvert, quatre méthodes de base pour labourer des champs sémantiques à l’infini.

Méthode 1: verbaliser

Alors, il suffit de prendre un mot, soit un substantif, un adjectif, un adverbe, même un pronom, qui sait? Un terme déjà existant. Ce mot est donc porteur d’un sens familier, déjà connu. On peut donc prendre sa racine ou son début. On peut aussi aller chercher sa forme savante ou familière et en faire un verbe, tout simplement.

Revenons à notre maison, plus tôt. Maisoner pourrait porter un sens différent de demeurer, par exemple, et c’est le contexte que l’on donnera qui fera la nuance. J’avais réfléchi une fois à la différence entre siéger et trôner, puis j’y avais ajouté chaiser. Que pourrait être le sens de ce mot au vu des autres? Doit-il être lié en sens à ces autres mots?

On remarquera en effet que les nouveaux verbes sont spontanément au premier groupe. Rien n’empêche également de donner une touche vieillotte au verbe avec une terminaison du 2e ou 3e groupe. Mon frère et moi, on s’était amusé à fusionner pleuvoir et neiger pour parler de cette réalité de neige fondante qui tombe en mi-saison. Il y avait en outre un vide sémantique. On dérapait un peu (beaucoup), on avait fini par inventer pleuger, pleigeoir ou pleiger, je crois. Bon, c’est pas toujours esthétique, mais le plaisir était là.

Méthode 2: substantivation

Dans la même veine, prendre un verbe ou un adjectif et en faire un substantif est un procédé efficace. La première méthode dans cette catégorie est de simplement prendre un mot et l’utiliser comme un nom. On pense à un baiser, le bleu du ciel, une drôle de définition.

La deuxième consiste à ajouter un suffixe qui donnera la fonction substantive au mot. Manger devient mangeaille; verdir peut devenir verdification, verdissement; lentement pourrait donner lentementation, lentementable, pourquoi pas, soyons fous!

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Photo: Joanna Kosinska

Méthode 3: adjectivisif

Tu commences à voir les possibilités? L’avantage de toutes ces méthodes est qu’elles fournissent un sens premier venant du mot d’origine. Prendre un nom, un verbe, et en faire des adjectifs devient aussi facile que le reste. Une humeur chiennante, un pré tonnerresif… on entre même dans des figures de style assez étonnantes.

Méthode 4: adverbement

La tendance du français actuel est de décortiquer la fonction adverbiale en séquence. On préfère de plus en plus la forme de façon x ou de manière y plutôt que de décliner un mot avec le suffixe –ment. En fait, tout en français d’ailleurs prend cette tendance. C’est un mouvement linguistique très connu et le français n’y échappe pas.

Toutes les langues glissent naturellement d’une forme agglutinante ou synthétique à une forme plus analytique pour redevenir, semble-t-il, à une forme de déclinaisons. Pour les technocracqués, cet article sur la création de langue est assez pointu: analytique vs synthétique.

Donc, inventer des adverbes est peut-être un peu moins au goût du jour, disons, mais l’exercice peut être très riche, voire humoristique. Comme mentionné plus tôt, il y a la méthode express d’ajouter –ment, mais aussi de mettre en séquence un mot associé à de façon x. Concrètement, de manière bleue, de façon oiseau; ou encore camionnement sur la route, tablement vôtre.

As-tu des perles que tu as inventées ou vues et que tu voudrais partager ici?

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