Une Entrevues d’écrivains avec cette fois l’autrice Noémie Wiorek, de la France.
Portrait d’autrice
- Es-tu une autrice publiée? Est-ce important pour toi? Est-ce une notoriété ou une reconnaissance?
Je suis une autrice publiée à la fois en maison d’édition pour des romans (Les chats des neiges ne sont plus blancs en hiver chez l’Homme Sans Nom) et des novellas (Lever de soleil chez YBY éditions), dans des anthologies (Sombres Félins aux éditions Luciférines et Promenons-nous dans les bois… tant que le loup n’y est pas chez Otherlands) et des revues spécialisées pour mes nouvelles (Gandahar, Etherval, Brins d’Éternité).
Chercher à être éditée dans le circuit traditionnel a été pour moi le parcours évident dans la mesure où je n’ai pas l’énergie mentale et le temps de me consacrer à l’autoédition, qui était beaucoup moins mise en avant au moment où je me suis intéressée au monde de l’édition, soit il y a une dizaine d’années.
Je dirais que cela reste important pour moi puisqu’il s’agit d’un regard professionnel sur mon travail, c’est toujours flatteur et motivant de constater que son travail a du potentiel. Néanmoins, je n’écris pas pour la notoriété, je pense que quiconque souhaite s’engager dans l’écriture dans ce but tomberait de bien haut, surtout dans le milieu de l’imaginaire qui reste un secteur de niche et globalement boudé par les médias généralistes. Et surtout je suis heureuse que mes textes, mes histoires puissent rencontrer un public que seule je serais bien en peine d’atteindre!
- Quel.s genre.s d’écrits fais-tu?
J’écris des romans, des novellas, des nouvelles (et des fanfictions ^^), toujours liés aux littératures de l’imaginaire avec une nette préférence pour la fantasy et le fantastique. Je m’aventure moins du côté de la SF car j’ai une formation scientifique très pauvre hélas, et que sans cela je ne me sens pas capable d’écrire des textes conséquents dans ce genre.
Quant à savoir si d’une idée naîtra un roman ou une nouvelle, tout dépend de ma motivation à l’explorer, de l’inspiration et des deadlines. ^^ En ce moment je m’intéresse beaucoup au format de la novella, qui offre un bon compromis.
- Quel.s genre.s lis-tu?
Je lis exactement ce que j’écris: de la littérature de l’imaginaire, des fanfictions, et également pas mal de bandes dessinées et de mangas. Étant professeur-documentaliste, je lis également beaucoup de littérature jeunesse, adolescente, et young adult pour proposer des lectures intéressantes à mes élèves, mais aussi par goût.
Enfin, lors de mes études de lettres, j’ai lu beaucoup de classiques de la littérature française et étrangère, dont il m’est resté un goût certain pour les auteurs du XIXe, notamment Émile Zola et Maupassant.
- Où peut-on trouver tes publications? Laquelle nous suggères-tu pour te lire une première fois?
Si vous préférez le fantastique, il faudra plutôt regarder du côté des Luciférines, avec les anthologies Sombres félins et Démons japonais. Enfin si vous préférez les formats plus long, il y a mon roman Les chats des neiges ne sont plus blancs en hiver ou ma novella à paraître, Lever de soleil.
- Quel est ton parcours d’auteur.e dans la chaine du livre?
J’ai commencé à m’intéresser de près au milieu éditorial vers 2014, il me semble, à travers les différents appels à textes relayés par les plateformes dédiées. À l’époque, je travaillais sur ce qui est devenu mon premier roman publié, à savoir Les chats des neiges ne sont plus blancs en hiver, mais j’avais conscience d’être loin d’avoir encore le niveau pour être publiée. Alors j’ai souhaité m’exercer sur des formats plus courts et me confronter réellement à un regard professionnel, même si cela m’a considérablement ralenti dans la rédaction de mon manuscrit.
Je voulais mettre toutes les chances de mon côté, surtout que commencer par des nouvelles dans le milieu de l’imaginaire pour se faire la main est assez fréquent. Ma première nouvelle a été retenue par les éditions Luciférines en 2016 pour l’anthologie « Sombres félins » (le thème des chats étant un thème qui m’inspire toujours beaucoup ^^) puis d’autres textes ont petit à petit été sélectionnés. Chaque nouvelle publiée est pour moi une petite victoire et une possibilité d’acquérir de l’expérience.
Pour que ce qui est de mon roman, j’ai su saisir la bonne opportunité au bon moment (en tout cas, je le vois comme ça): j’ai pu participer en 2018 au speed-dating du festival des Imaginales, qui permet des rencontres entre quatre et cinq éditeurs pour pitcher son histoire en dix minutes.
C’est comme ça que mon manuscrit a suscité l’intérêt de l’éditeur de l’Homme sans Nom, même si évidemment tout n’était pas gagné d’avance: j’ai dû encore beaucoup travailler sur le manuscrit avant qu’il ne soit proposé de manière sérieuse, étant donné qu’il était beaucoup trop long.

Les Chats des neiges ne sont plus blancs en hiver (lien Amazon)
Morz est la terre la plus au Nord du monde. Des siècles plus tôt, la neige a cessé de tomber et la glace a fondu, devenue une boue informe et immonde.
Il y a une ombre dans l’Est de Morz ; celle de Noir, un esprit maléfique prêt à tout pour provo-quer la ruine du royaume.
Sur ses talons court le Second, un guerrier prodigieux, plus cruel et féroce que tous les séides gravitant autour d’eux.
Il y a un enfant sur le trône de Morz : on attend de lui la ferveur de ses ancêtres pour maintenir le royaume dans la Lumière.
Mais le prince Jaroslav doute de sa place, de son pouvoir et ne souhaite qu’une seule chose : vivre en paix.
Et dans le Nord, près des montagnes, ourdissent les sorcières, vengeresses, dévorées par le rêve incertain de refaire un jour tomber la neige sur leur monde déchu.
- Comment a évolué ta méthode de travail? De l’écriture instinctive à celle plus planifiée, de l’écriture manuscrite à tapuscrite? Ce sont pour toi des méthodes contradictoires ou complémentaires, ou sont-elles plutôt une sorte d’axe sur lequel jouer?
Je suis quelqu’un de profondément chaotique (à mon grand désespoir), mais également de terriblement lent à l’écriture, ce qui crée un cocktail pour ainsi dire infernal pour rédiger de gros projets: je mets un temps fou à écrire un premier jet, souvent trop long, et encore plus de temps à le réécrire pour en obtenir un manuscrit à peu près lisible.
Pourtant je ne suis pas une autrice « instinctive » (ou jardinière): je planifie toujours mes projets sous forme de plan plus moins détaillés, et si je me réserve une part de liberté au sein du manuscrit, histoire d’être surprise, je préfère quand c’est détaillé au maximum, car j’ai la fâcheuse tendance à beaucoup (trop) écrire et à avoir une plume trop enthousiaste.
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Pour moi, ces méthodes ne sont pas contradictoires et il appartient à chaque écrivain de se les approprier et de trouver celle qui lui convient. Je peux me laisser aller à une écriture plus instinctive lors des toutes premières phrases d’un projet, pour prendre connaissance avec le manuscrit, mais j’ai vite besoin de baliser pour ne pas partir dans tous les sens. Après il est fréquent chez moi qu’en pleine écriture le manuscrit ne souhaite pas prendre une certaine direction pourtant prévue, ce qui me pousse à devoir reprendre mon plan.
Pour ce qui est de l’écriture manuscrite, je l’utilise principalement lorsque j’ai un blocage dans mon texte: le changement de support m’aide souvent à surmonter cela sans que je me l’explique trop!
Perception du métier
- Perçois-tu une différence entre ceux qui ne sont pas publiés et ceux qui le sont (si oui, comment)? Est-ce ainsi que l’on définit une écrivaine?
Je pense que lorsqu’on est publié, on gagne indéniablement de la confiance en soi et un apprentissage de codes qui amène à une plus grande professionnalisation et à plus vite s’orienter dans un milieu qui peut sembler opaque. Mais je ne considère pas ceux qui en sont pas publiés comme de « faux écrivains »: parmi mes œuvres préférées (tous genres et supports confondus), il y a un certain nombre de fanfictions, qui sont pourtant même au sein de la sphère littéraire considérées comme des œuvres illégitimes, voire méprisables.
L’édition est un marché avec de l’offre et de la demande avant tout: le travail, certes, mais aussi la chance font qu’on finit par trouver une place pour ses projets. Et si ce n’est pas ce projet, ce sera le suivant, peut-être plus adapté au monde de l’édition et à ce qu’il recherche à un instant T.
Je sais que dit comme ça cela peut sembler affreusement déprimant, mais je pense qu’il est sain de prendre conscience de cela pour éviter les déceptions trop amères. Sinon il y a plein de raisons, éminemment personnelles, qu’un auteur ne soit pas publié dans le circuit traditionnel et cela n’enlève rien à leur plume, leur expérience et l’intérêt de leurs projets!
- Crois-tu que la vocation ou le métier d’écrivain a un certain prestige? Est-ce selon toi plutôt un métier ou une vocation?
Cela a du prestige dans le fantasme de liberté que cela procure, avec cette image de l’écrivain à la française qui écrit au café, déambule sur les bords de Seine pour trouver l’inspiration et se rend sur le plateau de Busnel pour promouvoir son livre, mais personnellement, dans ma pratique quotidienne, je n’y vois pas de prestige.
J’en parle extrêmement peu autour de moi et j’ai très peu de collègues qui savent que j’écris; de même, j’en parle très peu à mes amis s’ils ne sont pas eux-mêmes écrivains. À titre personnel, je ne me vois pas en vivre par exemple, ce n’est absolument pas un rêve, mais je reconnais tout à fait qu’écrire avec une ambition un minimum professionnelle s’apparente dans les faits à une sorte de « second métier » au quotidien pour moi.
Et bien sûr pour ceux qui souhaitent se lancer dans cette voie à temps plein, c’est un métier à part entière tout à fait légitime et dont il faut défendre les conditions de travail.
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- Comment définis-tu le syndrome de l’imposteur et le ressens-tu? Que fais-tu avec un tel sentiment?
Ma définition personnelle serait que lorsque malgré des succès, la sensation de légitimité est rongée à cause du doute et de l’impression de ne pas être à sa place ou pas assez bon. Étant quelqu’un de déjà très naturellement dévorée par le manque de confiance en soi, je fais avec en me concentrant sur les prochains projets en me disant toujours que je ferai mieux. Je prends aussi du recul sur ma pratique aussi via des fanfics qui ont un rapport beaucoup plus décomplexé à l’écriture.
- Quel est selon toi le plus grand mythe concernant les écrivains?
Pour moi le plus grand mythe c’est de croire que l’écriture est innée et seulement liée au talent. Je pense que l’écriture demande surtout beaucoup de travail et de la patience.
- Comment perçois-tu toute l’animation autour des droits d’auteurs et du statut de ceux-ci?
Je trouve que c’est une excellente chose, surtout lorsqu’on constate la dégradation de la situation et la précarité dans laquelle sont les auteurs qui souhaitent vivre de leur plume. (Il suffit de voir la manière dramatique dont a évolué le secteur de la bande dessinée en France.)
- Comment envisages-tu l’avenir de la chaine du livre?
Honnêtement, c’est difficile de prédire ce genre de choses même si je suis les évolutions du milieu d’assez près (notamment pour mon travail). J’espère que le problème de la surproduction va finir par se régler (mais j’en doute), et je pense que le numérique va continuer de s’imposer dans certains genres littéraires.
Avec la crise actuelle liée au covid, je pense aussi qu’il va hélas être plus difficile d’être primoédité durant les prochaines années, les plannings étant certainement complets à cause des reports de sortie qui se sont accumulés.
Particularités d’autrice
- Quel parfum a ta période étudiante?
Papier glacé.
- Quelles couleurs porte ton enfance?
Bleu et gris
- Quelle texture à ta relation avec tes proches?
Écailleuse.
- Que goûte ton premier voyage?
Le sel.
- Quelle est la musicalité, la prosodie du territoire de tes vacances?
Les cris des enfants avalés par la houle.
Entrevue précédent avec Dave Côté, auteur de Nés comme ça
Photo à la une: Michal Czyz
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Ping :Entrevue avec Justine Robin - Blog de Marie d'Anjou, auteure