Dans le cadre des Entrevues d’écrivains, cette fois-ci, je vous propose l’auteure Cynthia Lisa Dubé, canadienne (américaine de naissance, mais ce n’est qu’un accident de parcours).
Portrait d’auteure

- Es-tu une auteure publiée? Est-ce important pour toi? Est-ce une notoriété ou une reconnaissance?
J’ai fondé ma propre maison d’édition avec mon conjoint, Mario Chabot, pour le plaisir de mener à terme nos créations. Du point de vue de la crédibilité, nous sommes conscients que cela peut nous nuire. Beaucoup associent l’autoédition à une qualité inférieure de l’écrit. Nous visons l’excellence et mettons tout en œuvre pour y arriver. Nous sommes deux dans l’aventure et nous nous évaluons mutuellement. Nous sommes complémentaires.
Nous faisons appel à des lecteurs extérieurs pour prendre du recul (incluant nos enfants!) et nous améliorer. Même si le français est mon outil de travail et que je le maîtrise mieux que la moyenne, je fais faire la révision linguistique de nos textes. Je suis présidente bénévole d’un organisme culturel et j’ai acquis énormément d’expérience dans la gestion de projet. Cela m’a été d’une grande utilité. Notre premier imprimeur croyait que je n’en étais pas à mes premières armes.
Personnellement, je continue à participer à des concours. Évidemment que gagner un prix m’aiderait à obtenir plus de visibilité et, oui, une forme de reconnaissance. Il y a peu d’élus et une grande part de subjectivité, de tendances, de ligne éditoriale. Il faut relativiser le fait de ne pas gagner et croire en soi, car attendre après l’approbation extérieure peut désespérer.
Aussi, je profite de l’occasion pour me lancer des défis. J’adore jouer avec des thèmes, des genres et des mots imposés. Je me retrouve avec une banque de textes appréciable. Mon conjoint et moi travaillons d’ailleurs à la publication conjointe d’un recueil de nouvelles et de microfictions à paraître pour le mois de mai ou juin [2021].
- Quel.s genre.s d’écrits fais-tu?
J’ai toujours écrit des nouvelles, en dilettante. Plusieurs étaient très mauvaises. Avec l’expérience que j’ai aujourd’hui, je comprends ne pas avoir gagné les concours! J’en ai retravaillé une pour l’inclure dans notre recueil à venir.
Nous avons commencé l’aventure de l’édition avec des albums jeunesse. J’ai écrit « Arthur et ses dents de lait », inspirée par mes garçons qui se sentaient différents parce qu’ils ne perdaient pas leurs dents de bébé. Et puis j’ai écrit « Dre Maude », l’histoire d’une des premières femmes médecins du Québec pour inspirer les jeunes, en particulier de 10 à 14 ans.
Les adultes intéressés par l’histoire des femmes et de la médecine font également partie de mon lectorat. L’écriture est concise et accessible. J’ai terminé deux autres manuscrits pour le public jeunesse. Ils sont prêts à être illustrés. Les idées sont là pour de nombreuses histoires, mais nous devons vendre des livres pour payer les illustrations. Vivement le retour des marchés et des salons du livre!
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La pandémie m’a donné l’occasion de revenir à la nouvelle littéraire et je m’amuse beaucoup avec les formes brèves, voire très brèves comme la Twittérature, les flash fictions. Ce que je préfère appeler la microfiction, même si la littérature brève est plus connue dans le monde anglo-saxon. J’ai commis quelques textes de science-fiction pour répondre à des thèmes imposés et ça m’a amusée. Je m’intéresse à la science et aux dilemmes moraux de façon générale. Alors, il se peut que je j’explore le genre à nouveau.
Également, j’ai profité de la pandémie pour retravailler un roman d’initiation écrit et délaissé de trop nombreuses fois. Il m’habite encore et toujours. Je veux le sortir de mon système et passer à d’autres projets. Le plus ambitieux est celui d’une saga historique qui parlerait des gens ordinaires.
- Quel.s genre.s lis-tu?
Roman psychologique, contemporain, historique, policier, essais.
- Où peut-on trouver tes publications?
Le plus grand défi de l’autoédition est la distribution. Seules quelques librairies et boutiques tiennent nos livres, dans les Laurentides et à Saint-Hyacinthe. Sinon, le plus facile est de visiter notre boutique en ligne.
- Quel est ton parcours d’auteure dans la chaine du livre?
Nous avons envoyé le manuscrit du premier livre de Mario à des maisons d’édition et sommes restés sans réponse, d’où l’idée de le publier nous-mêmes. Nous avons choisi de ne pas suivre la voie des subventions, car cela exigerait un grand volume de publications et l’inclusion d’autres auteurs dans l’aventure. Or, le but de notre projet est de publier nos œuvres.
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Devenir éditeur deviendrait toute une carrière en soi et un travail à temps plein. Nous restreindre à nous deux comme auteurs signifie donc imprimer de plus petites quantités et conséquemment des coûts plus élevés par livre, et de ne pas avoir un volume suffisant pour faire affaire avec un distributeur. Nous privilégions les marchés et salons du livre. Pour qui veut tenter l’aventure de l’autoédition, c’est un pensez-y-bien!
- Comment a évolué ta méthode de travail? De l’écriture instinctive à celle plus planifiée, de l’écriture manuscrite à tapuscrite? Ce sont pour toi des méthodes contradictoires ou complémentaires, ou sont-elles plutôt une sorte d’axe sur lequel jouer?
Mon travail de transcription juridique fait que l’écriture manuscrite est devenue pour moi beaucoup trop lente et désagréable physiquement. Ma vitesse de frappe arrive à suivre le flux de mes idées. C’est plus naturel.
J’ai toujours eu un plan avant de commencer à écrire, plus ou moins détaillé selon les projets. J’aime bien me garder une marge de manœuvre pour la spontanéité. Ce qui a changé avec le temps, l’expérience et les ateliers d’écriture, c’est l’intention derrière le texte. Avant, une idée qui me plaisait me suffisait.
Maintenant, le sens rattaché à l’idée, l’évolution des personnages me préoccupent plus et rendent l’écriture beaucoup plus satisfaisante. En même temps, j’ai plus l’impression de jouer alors qu’avant je me prenais trop au sérieux. Maintenant, je me prends juste au sérieux. ??
- Offres-tu des services en lien avec l’écriture? Si oui, parles-en brièvement ici avec un lien pour te contacter.
J’ai animé une activité d’écriture de groupe en camp de jour, une expérience que j’ai adorée et que j’ai hâte de reprendre. Il y a également les animations dans les écoles pour parler de Maude Abbott.
Perception du métier
- Perçois-tu une différence entre ceux qui ne sont pas publiés et ceux qui le sont (si oui, comment)? Est-ce ainsi que l’on définit un écrivain.e?
Certains éditeurs accompagnent plus les écrivains que d’autres, offrent la révision linguistique ou pas. Il y a donc des différences entre les écrivains publiés.
Par principe, je crois qu’on peut être écrivain sans être publié, qu’il s’agit d’un talent et d’un travail acharné qui peut ou ne pas avoir été « découvert » par un éditeur. Mais de là à s’afficher comme tel… Qui peut juger plus qu’un autre? Le consensus des regards extérieurs m’apparaît incontournable.
Il y a aussi toute la question de définition d’écrivain, d’auteur, de romancier… Pour l’instant, je me définis comme autrice et ça me suffit.

Arthur voit ses amis perdre leurs dents. Il ne comprend pas pourquoi c’est différent pour lui. Toute sa famille viendra à son secours quand, enfin, une de ses dents branlera. Mais ce ne sera pas tâche facile!
- Crois-tu que la vocation ou le métier d’écrivain a un certain prestige? Est-ce selon toi plutôt un métier ou une vocation?
Par rapport à auteur ou romancier, oui, j’associe un certain prestige au statut d’écrivain. Certains le pratiquent comme un métier, d’autres comme vocation. Honnêtement, ça m’importe peu.
- Comment définis-tu le syndrome de l’imposteur et le ressens-tu? Que fais-tu avec un tel sentiment?
S’afficher comme autrice et ne pas avoir de talent, absolument que je ressens le syndrome de l’imposteur. Qu’est-ce que je fais avec ça? Je travaille. Je recommence. Je réécris. J’ose montrer mon travail. Je cherche des réponses à mes questions. Je continue.
- Quel est selon toi le plus grand mythe concernant les écrivains?
Qu’on peut écrire pour le plaisir, à la retraite. Dans ce cas, on parlerait de rédacteur, peut-être d’auteur à la rigueur. Mais il faut que l’histoire soit intéressante à lire, qu’elle touche, qu’elle fasse vivre des émotions. Tout cela dépend de techniques, d’expérience, de talent, de travail, d’intuition, de connaissances, d’engagement et de beaucoup de temps.
- Comment perçois-tu toute l’animation autour des droits d’auteurs et du statut de ceux-ci?
D’une grande importance. Il y a la difficulté à tracer la ligne entre les auteurs publiés et autopubliés. Je me sens solidaire et exclue.

Maude caresse un rêve : aller à l’université. Elle voudrait même devenir médecin. Mais au XIXe siècle, une femme n’a pas sa place dans ce monde d’hommes. Dotée d’une intelligence exceptionnelle, Maude fera son chemin à force de persévérance et de travail acharné, et en dépit de tous les obstacles. Elle deviendra l’une des premières femmes médecins du Québec et jouira même d’une réputation mondiale en cardiologie.
- Comment envisages-tu l’avenir de la chaine du livre?
Je ne me risque à aucune prédiction. Personnellement, j’encourage les libraires indépendants. J’éprouve un grand malaise devant ce système de subvention pour des livres qui finissent par être pilonnés.
Particularités d’auteur.e
- Quel parfum a ta période étudiante?
Un parfum trouble fait de découvertes, de ravissements et de grands malaises.
- Quelles couleurs porte ton enfance?
Bleu ciel, comme avoir la tête dans les nuages.
- Quelle texture à ta relation avec tes proches?
En manque de contact physique en ce moment!
- Que goûte ton premier voyage?
L’émancipation.
- Quelle est la musicalité, la prosodie du territoire de tes vacances?
Allégro, largo largo largo, allégro.
Entrevue précédente Kevin Bonneville
Photo à la une: Michal Czyz
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