Mon univers et sa mode vestimentaire

Je développe dans cet article comment j’en suis venue à percevoir les vêtements de mes personnages et leur manière qu’ils détenaient de raconter une partie de l’histoire. Cet élément de décor est parfois négligé et restreint à un simple détail de worldbuilding ou de situation historique et technologique. Mon propre usage dans mes récits est souvent discret, mais cette subtilité est une fine couche de plus qui appuie certains thèmes de ma narration.

Pour sortir du médiéval

J’ai commencé avec une idée assez vague de vêtements qui s’inspirait grossièrement de ce que je connaissais des films et des dessins du temps de jadis, soit, le Moyen Âge. Ou ce que l’on associe rapidement à cette période comme s’il s’agissait d’un miasme homogène.

Je savais seulement que les textiles se devaient d’être naturels — lin, coton, chanvre — et que le cuir et les fourrures étaient plutôt présents. Pour les teintes, j’avais une approximation imaginaire de ce que je croyais des images qui circulaient sans m’y être arrêtées.

Tunique

Le vêtement était donc porté par mes personnages dans le but unique de ne pas les laisser nus face aux éléments, ou de les dévêtir dans certaines occasions plus intimes. Décrire certains pans de tissus, certaines teintes ou textures se révélaient n’être que du décor pour aider l’imaginaire à voir l’ambiance du récit. Puis, à force de découvrir les ressources naturelles et le territoire de mon lieu de récit, j’ai réfléchi à ce que ces gens pouvaient arriver à fabriquer réellement comme vêtement.

Les ressources

J’ai établi assez tardivement que le mode de vie de mes peuples tournerait autour de l’élevage, la cueillette, la chasse et une agriculture franchement rudimentaire. Je voulais une saveur beaucoup plus rustique que ce qu’on lit souvent en Fantasy médiévale, d’autant plus que le partage des terres agricoles et d’un système autour de ça m’ennuyait. J’ai surtout compris qu’une telle organisation ne m’était aucunement utile dans la vision des valeurs que mes communautés avaient et même semblait contraire à leur mode de vie.

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Une façon de vivre donc plus rustique réduisait mes ressources et leur traitement assez aisément. Les fibres végétales, comme le lin et le chanvre, m’ont semblé suffisantes; un tissage grossier, voire rugueux, quelques teintes sans trop d’éclat qui s’émousseraient avec le temps. L’animal, évidemment, fournirait des peaux — cuir et fourrure — mais également la babiche et autres ligatures pour servir de couture, puis la laine issue de l’élevage en feutre ou filée.

Tissage grossier

Devant cette simplicité du vêtement, il m’est apparu un élément de société assez important: l’expression de la classe sociale par l’apparat, le code vestimentaire en lui même. Dans les vêtements traditionnels, on remarque souvent un grand souci du détail dans les broderies par exemple, ou l’agencement de pans de tissus méticuleusement préparés. Ces vêtements fort laborieux étaient souvent montés pour les grandes occasions d’une vie. Le temps consacré à de telles pièces vestimentaires devait se rentabiliser sur la durée du vêtement: il servirait soit toute une vie, soit à être transmis aux plus jeunes.

Bottes rustiques

Ces vêtures ne sont pas représentatives du quotidien et je me suis demandé ce que ce jour le jour était pour mes personnages, en termes d’aisance, d’utilité et de marque sociale. J’ai une petite communauté très égalitaire autant entre genres qu’entre classes. Le rôle de chacun dans leur organisation n’est pas garant de richesse personnelle, d’autant plus que le prestige se note par la capacité de certains à accumuler afin de mieux redistribuer.

L’apparat distingue moins les gens aisés de ceux qui le sont moins, sauf peut-être dans l’usure du vêtement lui-même. Les mieux nantis font des dons de tissus et ont tendance à acheter plus neuf, les moins riches reprisent et recyclent davantage. Mais les sortes de vêtements portées demeurent plutôt similaires.

Pagne pour homme

Entre genres, les accessoires vont plus servir pour souligner l’un par rapport à l’autre, mais rien n’est bien tranché. Les femmes portent autant le pantalon que les hommes et dans un décor froid et enneigé, ça se comprend. J’ai aussi eu l’envie de faire porter aux hommes une sorte de pagne, comme pour contrebalancer la culotte, et montrer que la jupe se prête aussi à tous les genres.

Par contraste avec cette communauté centrale dans l’histoire, j’ai injecté dans les groupes antagonistes des habitudes vestimentaires qui renforçaient leur vision du monde. Ainsi, dans les groupes où les castes sont tranchées au couteau et que le prestige y est associé, les vêtements soignés, délicatement conçus et restreignant volontairement le travail manuel se relèvent plus courants. Pour un autre groupe où la chefferie d’un clan est fort prestigieuse, l’apparat est très chargé. Fourrures, ramures, os, métal forment des costumes de parade très éloquents. Ils permettent aussi de grossir l’apparence du chef et d’être plus imposant et dominant.

Inspirations

Comme mon décor est nordique, je me suis inspirée d’abord des vêtements de chez moi. Le chapeau de poil avec des rabats sur le cou ou les oreilles au besoin, les mitaines dont on peut vêtir ou dévêtir les doigts, les foulards de laine, les larges capuchons à fourrure. Surtout, surtout la notion de mettre plusieurs couches de vêtements de matières variées.

J’ai fait usage de certains mots pour parler d’une façon d’ici ou de là dans mon univers. À Cordalme, la tuque est inspirée de celle portée par les Patriotes en 1837. Pour me venger d’une intention maladroite, mais qui me fait encore grincer des dents aujourd’hui, j’ai décidé de réinstaurer le mot froque. Enfant, on m’a dit à tort et à travers que ce mot était mauvais et (faussement) anglais. Pourtant, un froc désigne un pantalon; un prêtre pouvait être défroqué et ce n’était pas de sa culotte. Une froque, qui veut dire manteau, a sûrement eu quelque part une existence acceptée. Et bien, j’en ai fait un manteau d’hiver typique d’une région montagnarde. La froque froysanglée est en fourrure, avec un large pan sur les épaules qui se rabat pour protéger la tête des grands vents.

Mitaines à rabats

Parlant de montagnes, les skieurs connaissent sûrement ce que je nomme les «mitaines à rabats». Je n’ai su trouver de terme homogène à leur sujet. Ce que j’aime bien de cette formule est que le mot mitaine, qui évoque pour certains des moufles et pour d’autres des protections sans doigts, n’a pas à être précis dans le cas de rabats. Qu’il y ait des doigts couverts ou non, l’image de la mitaine peut rester floue et cette appellation, même ambigüe, est davantage panfrancophone.

Dans mes inspirations, il y a forcément aussi ce qui vient d’ailleurs, tout en étant dans les pays nordiques. Il m’est impossible d’ignorer ce que la mode ancienne des Vikings a pu m’inspirer, cependant, je ne veux pas m’y restreindre. J’ai aussi pris des styles chez les Russes, comme le chapeau cosaque, et règle générale, des méthodes mongoles, inuites ou samis de se vêtir — les techniques, et non pas nécessairement l’esthétisme de ces peuples. C’est la nordicité avec des moyens rudimentaires que j’avais besoin de montrer et ces exemples m’indiquent la bonne route, par expérience séculaire.

Chapeau cosaque

J’aime bien utiliser Pinterest pour me faire des tableaux d’inspiration de mes univers. Je t’invite à aller voir celui des vêtements, pour te montrer comment je me sers de cet outil.

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