Résumé
Merime, conseillère trop sérieuse, est confrontée à son ineptie sociale et devra la dépasser pour désembourber son pays pris dans les pièges d’un saboteur. Miliac, voyageur altruiste, est amené à vivre parmi un clan d’éleveurs si opposé à ses valeurs qu’il fait face à sa propre déconcertante révolte. Vièle et Loec se lient d’amitié; la première, femme d’armes qui se découvre une frousse de la mort, le second, forgeron bringuebalé par son père en recherche d’une famille de coeur.
Partie I. Volontaire
« Il y a chez moi un entêtement
qui ne supporte pas d’être effrayé
par la volonté des autres.
Mon courage augmente toujours
à chaque tentative d’intimidation. »
— Jane Austen, Orgueil et préjugés
Le livre s’ouvre sur Merime, une conseillère de la cité responsable d’un système anti-avalanche. Déjà entravée dans son travail par son manque d’empathie, Merime voit sa tâche se complexifier quand la trace d’un saboteur menace la sécurité de sa cité. Merime rencontre Luölvic, un carrier, envers qui elle développe une attirance.
Extrait
Merime s’est éreintée à monter si haut en montagne pour le rejoindre à mi-chemin, dans la neige qui tournoie autant qu’il y en a au sol. Le cordage délimitant le sentier en est presque enseveli. Elle se rend compte avec trouble que cet homme de métier, ce gentain, s’arrache les poumons. Être dehors, aussi souffrant, par un temps pareil ? Merime le toise de pied en cap en un coup d’œil. L’homme durcit ses traits, ce qui la trouble encore plus. La voix du gardien tremble autant de froid que de fièvre.
— Ce pourra point l’faire. On a skié plusieurs jours sur les amas de neige à risque et ce bouge guère. J’voâs point votre entêtement.
— L’étrave. Est. Incomplète. On peut point s’y fier cet hiver pour dévier un lourd éboulement. C’te neige doit glisser avant d’être une menace.
— Même avec les claies à neige écrasées, elle bouge point, votre neige !
— Comment ce, des claies écrasées ? On les a restauré cet été !
— Le matériel a dû pourrir plus vite que d’habitude.
Merime n’aime guère le ton à cran du gardien. Ce doit être sa fièvre qui l’exaspère. Ce qu’elle demande est raisonnable.
Partie II. L'errant
« Homme de l’entre-deux
qu’as-tu à chercher
le pays et la demeure
Ne vois-tu pas qu’en toi
c’est l’humanité qui se cherche
et tente l’impossible ? »
— Abdelatif Lâabi, L’automne promet
Dans ce tableau, Miliac est amené à quitter son bercail douillet pour se joindre à un groupe d’éleveurs semi-nomades. Il se confronte à des normes sociales étrangères qui piquent sa curiosité et le provoquent à la fois. Perçu comme un enfant en apprentissage, Miliac côtoie la sphère des femmes. Il tisse un lien avec Terca, la fille du chef de clan qui lui explique avec circonspection plusieurs éléments de leur culture.
Extrait
Comment j’aurais pu savoir, vraiment ? Le chef de clan me dit, non sans condescendance, que le lieu des hommes m’est interdit puis il m’envoie chez les femmes apprendre ma vie de petit garçon. Je suis quand même dans un corps mûr. C’est ce que les femmes m’ont crié lorsque, avec toute la maladresse de l’étranger perdu, je les ai surpris à leur toilette — des plus intimes — autour d’un feu avec les enfants nus et des éponges à peine humides — lancées à ma tête ! Le sable mêlé de cendres qu’elles frottent sur leur peau a fait une nue qui me meurtrit encore les yeux. Je n’ai jamais refermé le pan d’une hutte aussi vite. Et les rires gras des hommes fracassent mes tympans. Ils jouent, ils jouent. Bon, à mes dépens, mais ils jouent.
Partie III. Tombée
« ils font à présent
avec ce qui leur a été confié
sous la mer, sous la terre, dans le ciel,
dans le ventre, sous les dents. »
— Nastassja Martin, Croire aux fauves
Dans cette dernière partie, les routes de Vièle et Loec se croisent. Avant l’arrivée de celui-ci dans la cité, Vièle découvre le corps d’un citoyen meurtri par une ourse et en est perturbée, elle qui désire être femme d’armes. Elle subit aussi une défaite contre une vétérante lors d’un combat amical, qui malgré tout fait entrevoir à Vièle sa force vitale.
Loec est en conflit avec un père qui ne cesse de quitter tous les hameaux où les deux pourraient s’installer. Loec ne sent plus s’il sait encore entretenir des liens sociaux. Il arrive dans la cité de Vièle avec l’espoir d’enfin s’enraciner, malgré la réticence de son père. Un jour, Vièle lui tombe littéralement dessus, l’ayant épié à partir des toits.
Extrait
Ça a commencé bête chez le forgeron, Loec. Elle pensait que ses élancements faisaient partie de sa piteuse dégringolade. Sérieux, comment elle s’est retrouvé le cul en l’air… Belle présentation au nouveau, ouais. Ça lui a coupé le plaisir de le traquer. Et pis, il a l’air avenant, même avant qu’elle l’assomme comme un chaton maladroit. Il écoute, jase pas beaucoup, mais c’est pas comme s’il était intimidé ou quoi que ce soit. Non, il est juste discret. Ça peut faire du bien quelqu’un qui porte attention à ce qu’on dit parfois. Quand tout le monde parle, personne sait de quoi on parle, en vrai. Mais elle a dû le laisser en catastrophe aux bons soins de Baloc.