Les Avantes
Extrait
Face à la porte de l’aïeul qui lui donnera sa formation, Merime hésite à frapper. Son chignon trop serré lui tire le crâne. Elle passe ses doigts dans tout son roux pour en relâcher la tension. Elle espère, avec cette coiffure sérieuse, paraitre enfin adulte. Merime relève le menton — stature fière — ajuste la sangle de sa boite en bois à l’épaule, durcit ses traits.
Elle a traversé tout le fort de falaise pour arriver à cette porte. De sa chambre équarrie dans le roc blanc de la cordillère, à tous les autres cubes de même creusés par ses ancêtres, Merime a parcouru la forte‑place de Bord‑Loppe d’un pas assuré. Une cité compartimentée qui plait à son esprit. Elle connait le chant d’air qui se lamente de pièce en pièce depuis sa naissance. Même ici dans une partie du fort de falaise le plus près de la façade extérieure, elle entend l’humidité de la pierre s’égoutter. Presque seize années à grandir dans l’épiderme de sa montagne ; Merime peut en arpenter tous les recoins par cœur.
Ce qui lui fait perdre son assurance ce jour d’hui n’est point en lien avec le lieu. C’est en rapport avec sa tâche. Merime doit questionner des habitants. En face à face, loin de ses familières archives. Elle connait les gens de sa cité de vue, de nom, de métier ; elle ne connait point leurs liens entre eux et encore moins leur vie. Dans la bibliothèque de Bord‑Loppe, Merime peut examiner des registres sans être jugée en retour. Lorsque sa tâche sera effectuée avec efficacité, elle pourra retourner à ses parchemins. Pour lors, il est apparu avec clarté, au conseil de son père, que mieux valait détailler les rapports des habitants. Une tâche sérieuse qu’elle peut faire. Aussi, elle cogne enfin à la porte du recenseur.